Je suis chrétien. Pourtant, je me suis demandé, il y a longtemps déjà, pourquoi les chrétiens se considéraient comme « les croyants » et nommaient « incroyants » ceux qui ne partagent pas leur foi. J'ai éprouvé le besoin d'aller voir quelles étaient les croyances de ces « incroyants ». Au cours de longs et lents cheminements en Orient et en Afrique, j'ai rencontré d'autres hommes, d'autres cultures, d'autres religions, d'autres chemins spirituels. J'ai appris que la lumière et la ténèbre se partagent le cœur de tout homme, en dehors de toute appartenance religieuse. J'ai appris que le décisif ne se juge pas d'abord sur une doctrine mais sur une capacité à nous faire vivre. Chacun doit se risquer à répondre pour lui-même de ce qui l'aide à se tenir debout et à se mettre en marche.
Je crois qu'il convient d'abandonner quelques certitudes et ne pas s'empresser de remplir les vides. Seul le vide des ouvertures rend une maison habitable (même et surtout la maison Église). L’Évangile a planté ses racines sur une absence, un tombeau vide. Aux dogmes, refermés sur eux-mêmes, je préfère le poème, toujours ouvert, de la vie. La tendresse d'une main, le tourment d'un regard m'en apprennent davantage sur l'amour que la lecture de tous les traités sur l'art d'aimer. Le retour du fils prodigue peint par Rembrandt m'en dit plus sur le pardon que les exhortations édifiantes. Comme la vie, la foi est relation. Elle ne remplit pas un vide, elle répond à une attente. Elle demeure, avant tout, un mystère.
Philippe JOUDIOU
(Rubrique « à cœur ouvert », les carnets du yoga mai 2005, numéro 237)